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Prix Unesco-Sharjah pour la Culture arabe

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Cérémonie de remise du Prix Unesco-Sharjah pour la Culture Arabe récompensant quatre artistes ou personnalités impliquées dans la diffusion de la culture arabe, dans leurs pays, éditions 17 et 18.

Après deux ans d’interruption pour raison de pandémie, quatre lauréats furent mis à l’honneur le 30 mai dernier, pour avoir participé à la construction de ponts entre les arts et les continents en 2020-2021 et 2021-2022. La référence à André Malraux qui « pensait avec lucidité que la culture est ce qui avait fait de l’homme un Homme » a été rappelée par les personnalités qui, en introduction, ont pris la parole à tour de rôle, sous la houlette du Sous-Directeur Général pour la Culture à l’Unesco, M. Ernesto Ottone Ramírez.

Dunya Mikhail © BR

Tous ont insisté sur le pouvoir de la culture et sur l’encouragement donné, à partir de 1998, par la création du Prix Unesco-Sharjah pour la Culture Arabe visant à encourager le dialogue interculturel. Chaque candidat a présenté son travail et ses modes d’intervention à travers une vidéo et a témoigné de son engagement. Un moment artistique et musical avec la participation des lauréats a clôturé la cérémonie, modérée par Maya Khadra, journaliste et auteure libanaise.

Pour l’édition 18 (2021/22) deux lauréates ont été récompensées : Dunya Mikhail, d’Irak et Helen Al-Janabi, de Suède. Née à Bagdad (Irak) et après un BA de l’Université de la ville, Dunya Mikhail a travaillé comme traductrice et journaliste avant d’émigrer aux États-Unis en 1996 et d’obtenir une maîtrise à la Wayne State University. Son écriture, sa traduction, sa poésie et sa prose puissantes – en traduction arabe et anglaise – parlent des horreurs de la guerre, de la migration et de la perte de son pays avec les difficultés qui l’accompagnent. Sa poésie est alimentée par un profond sentiment d’identité, en tant que réfugiée, artiste et femme. Son premier livre publié en anglais en 2005 et traduit par Elizabeth Winslow, The War Works Hard, avait été sélectionné comme l’un des « vingt-cinq meilleurs livres de 2005 » par la New York Public Library.

Helen Al-Janabi © BR

Présentée par l’Ambassadrice de Suède auprès de l’Unesco, Helen Al-Janabi, seconde lauréate de l’année est une actrice suédoise d’origine syro-irakienne, vivant à Stockholm depuis 2009. Formée comme actrice à l’Académie de théâtre de Damas, elle a tourné dans plusieurs films, séries télévisées et productions théâtrales au Moyen-Orient. Son travail touche aux thèmes du déplacement, de l’exil forcé, de la langue et de la cohésion sociale. Elle a fondé en 2015 Arabiska Teatern, la première troupe de théâtre professionnel arabophone d’Europe qui a produit cinq pièces en arabe et joué plus de quatre cents fois en Suède.

” Camel of Heavy Burdens” de Suleiman Mansour

Pour l’édition 17 (2020/21) les deux lauréats récompensés furent Suleiman Mansour, de Palestine et Silvia Alice Antibas, du Brésil. Souffrant, Suleiman Mansour n’a pu se rendre à Paris recevoir son Prix, nous l’avons rencontré par vidéo interposée. De renommée internationale c’est l’un des artistes peintres les plus influents de son pays, son œuvre est vaste et se décline sous différentes formes. Il travaille depuis une cinquantaine d’années sur l’expression de l’identité palestinienne, a largement contribué au développement de l’infrastructure des Beaux-Arts au niveau local, et il est membre fondateur de la Ligue des artistes palestiniens. En 1994 Suleiman Mansour a cofondé le Centre d’art Al-Wasiti à Jérusalem-Est et en a été le directeur de 1996 à 2003. Il est aussi l’un des fondateurs du conseil d’administration de l’Académie internationale d’art en Palestine et enseigne dans différentes institutions.

Silvia Alice Antibas, Brésilienne, avait passé un an d’études en France, en 2000/2001 dans le programme de la Formation Internationale Culture qu’avait créé Jack Lang et que j’avais eu la chance de diriger, programme où la problématique interculturelle se vivait au quotidien, un temps remis entre les mains de la Commission française pour l’Unesco. Puis elle a consacré sa carrière à promouvoir une meilleure compréhension de la culture arabe en Amérique latine, en se concentrant sur la migration arabe vers le Brésil. Ses origines, par son père, nous conduisent à Alep, en Syrie. Elle a entre autres, promu des écrivains brésiliens d’origine arabe à travers la traduction de leurs œuvres en arabe, et analysé l’influence de la musique arabe sur la musique brésilienne, en cartographiant et collectant de précieux documents d’archives. Ses recherches sur le sujet montrent que « l’influence arabe dans la culture brésilienne commence avant même que le pays ait été découvert en 1500, à partir de l’occupation par les Maures de la péninsule ibérique, au VIIIè siècle. » Même dans la samba, forme musicale emblématique brésilienne s’il en est, la présence arabe se fait sentir.

Silvia Antibas © BR

Dans son discours d’introduction lors de la cérémonie, Silvia Antibas a montré la convergence entre la musique arabe et les sambas, parlé des Maliens en esclavage et de leur révolte à Bahia, des étapes d’émigration à Rio de Janeiro apportant de nouveaux instruments de musique – comme les tambours/ duff du monde arabe proches des pandeiros du Brésil – et elle a mis l’accent sur les similitudes entre certains rythmes africains et la musique du Nordeste. La fin du XIXè siècle avait vu une vague d’émigration arabe vers le Brésil, puis au fil du temps les émigrés s’étaient bien intégrés multipliant les passerelles dans certaines professions, dans certaines fêtes comme les mariages, dans la cuisine. Les artistes d’origine arabe se sont retrouvés, à partir des années 30, dans toutes les formations musicales brésiliennes telles que samba, chansons, bossa nova, jazz. Ensemble ils ont créé de nouvelles formes musicales comme autant de syncrétisme entre la terre d’origine et la terre où ils vivent.

Silvia Antibas et l’Ensemble Mazzika © BR

Après les communications des lauréats est venu le moment où chacun a montré son travail, sur scène et/ou par visio :  traductions et lectures poétiques par Dunya Mikhail ; extraits de pièces par Helen Al-Janabi avec sa troupe Arabiska Teatern ; formation musicale, association Mazzika, réunie par Silvia Antibas, suivi d’un concert fusion El musica : un dialogue en mouvement, moments chaleureux et de convivialité, guidés par chacune des intervenantes.

La sous-directrice générale pour les Sciences sociales et humaines de l’Unesco, Gabriela Ramos, a clôturé l’événement en déclarant : « Je souhaite sincèrement que le Prix Unesco-Sharjah pour la Culture arabe continue de servir d’éclaireur pour le dialogue, la créativité et l’excellence culturelle pour les décennies à venir. Plus fondamentalement, j’espère qu’un tel prix continuera d’inspirer les artistes et les interprètes du monde entier à utiliser leur talent pour faire progresser la paix dans le monde. »

Brigitte Rémer, 30 juin 2022

Maison de l’UNESCO, 125, avenue de Suffren, 75007. Paris – email : prix.sharjah@unesco.org – site : www.unesco.org – Tél. : 01 45 68 09 66